[Article issu du "Le Figaro Étudiant", le 16/05/2024]
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REPORTAGE - Le lycée Descartes accueille l’une des dernières prépas françaises à l’étranger.
Le soleil a fait fuir les quelques ombres qui patientaient devant la façade bleue Majorelle. Les élèves du lycée français Descartes, à Rabat, retournent progressivement en classe après avoir acheté des barres chocolatées à un épicier ambulant, adossé à son parasol de fortune. Parmi eux, plusieurs centaines de collégiens, de lycéens mais aussi quelques préparationnaires. Car l’établissement qui surplombe la capitale marocaine accueille l’une des dernières classes préparatoires françaises aux grandes écoles (CPGE) de commerce à l’étranger.
Un bastion bien caché, au dernier étage du lycée, qui passerait presque inaperçu. Fondée il y a plus de 20 ans, cette formation accueille chaque année plusieurs dizaines d’étudiants marocains. «Pour moi c’était la seule façon de garder une vraie polyvalence après le bac. J’avais besoin de solidifier ma culture générale sans me fermer aucune porte», explique par exemple Selma, étudiante en première année de prépa après avoir obtenu son bac français à Rabat. «Je suis tombé amoureux du principe de la prépa dès que je l’ai découvert, complète Sélim, lui aussi originaire de la capitale marocaine. Il n’y a aucune formation équivalente au Maroc».
Depuis quelques années, le pays mise pourtant sur la formation de ses meilleurs éléments pour éviter la fuite des cerveaux. La création de l’université Mohammed VI Polytechnique en 2017, aussi surnommée «UM6P» en est le parfait exemple : un campus ultramoderne en plein désert censé regrouper les futurs dirigeants et élites en ingénierie comme en commerce. Le Maroc dispose aussi d’Écoles nationales de commerce et de gestion (ENCG). Mais pour Gita, en première année de prépa à Descartes, rien n’y fait : «Pour accéder à de hauts postes ici, il faut être soit très riche pour aller dans une école très chère soit un vrai génie. Quand on est dans la moyenne, il est plus intéressant de viser une école internationale et en particulier française».
Un coup d’avance en maths
Les élèves du lycée Descartes sont déjà issus d'un milieu social favorisé - une année scolaire coûtant environ 6000 euros là où le salaire moyen du pays est de 340 euros par mois. «Bien sûr, nous faisons partie des Marocains qui ont de la chance. Mais ça ne suffit pas. En étant diplômé d'une école du Top 10 , on triple facilement le salaire qu'on pourrait obtenir si on était diplômé d'une école marocaine. Sans parler du cadre de vie, de l’ouverture sur d’autres pays, des libertés individuelles», développe Yassine, le sourire aux lèvres. D'autres, comme Selim, ambitionnent plutôt de revenir au Maroc une fois leurs études terminées : «Ce diplôme me permettra d'être reconnu et d'être vraiment compétent pour aider mon pays à se développer».
Comme leurs prédécesseurs, tous pensent à HEC et peuvent raisonnablement espérer intégrer l’EM Lyon, l’Edhec ou encore Skema. Mais depuis Rabat, les préparationnaires appréhendent le niveau de leurs concurrents en France. «Nous travaillons énormément mais forcément on se dit qu’ils ont un excellent niveau, en particulier dans les prépas parisiennes», explique Selma. Les élèves de Descartes n’ont pourtant pas à rougir : certains ont été admis dans CPGE de la métropole mais ont préféré rester près de leur famille pour se concentrer. Ceux qui ont obtenu le bac marocain peuvent aussi miser sur un atout majeur pour se démarquer : leur excellent niveau en maths. «Notre programme au lycée est très exigeant. En filière “sciences maths” on a plus de 10 heures de cours par semaine. Ce qu’on voit en première année de prépa a déjà été étudié en terminale donc forcément ça nous aide beaucoup», explique fièrement Gita.
Au Maroc comme en France, la classe prépa peine encore à convaincre les bons élèves. «Le développement des bachelors, comme celui de l’Essec à Rabat ou de Toulouse Business School à Casablanca, attire les bons éléments qui souhaitent faire une école de commerce française directement, analyse Christophe Viscogliosi, professeur d’histoire dans la prépa depuis un an. D’autres se tournent aussi vers des formations au Canada ou en Asie». De quoi donner envie à toute l’équipe pédagogique de redorer l’image de cette formation, inspirés par leurs collègues français. «Nous nous sommes rendus dans de nombreuses écoles, avons rencontré les familles et lycéens et menons une vraie campagne de communication parce que cette formation gagne à être connue», martèle Frédéric Steiner, professeur de maths à Descartes.